Destinée à un public de 5 à 105 ans, « Jusqu’ici » est une expérience interactive qui laisse le choix. On s’y perd peut-être pendant six minutes, peut-être pour toujours. On peut courir sans arrêt, ou rester à l’arrêt. On peut y accéder d’un navigateur Web, mais aussi de son téléphone ou avec le casque de réalité virtuelle Oculus Rift. Cette simple marche en forêt se transforme en ce qu’on en fait, pour devenir aussi bien un jeu, qu’une berceuse, un échappatoire ou une prise de conscience de ce qui se cache devant nous, en nous, jusqu’ici.
Passionné d’ornithologie depuis l’enfance, Vincent Morisset passait beaucoup de temps à se promener dans les bois, et à observer les oiseaux. Sensible au regard que l’on peut porter sur ce qui nous entoure, le réalisateur souhaitait confronter le réel et le virtuel dans une expérience interactive, « Jusqu’ici ». « L’idée était de créer un pont entre le jeu vidéo et le film. Je me suis demandé comment transposer le rapport de l’humain à l’espace et créer une interaction là-dedans », mentionne Vincent Morisset.
L’interaction, c’est ce qui allume le réalisateur, « particulièrement le pont entre la grammaire cinématographique et les mécanismes interactifs », précise-t-il . Pour s’y dédier, il a d’ailleurs fondé en 2009 son propre studio, AATOAA, qui a depuis collaboré à plusieurs reprises avec Arcade Fire pour la réalisation de vidéos interactives comme « Just a Reflektor ».
Véritable balade entre le réel et le virtuel, « Jusqu’ici » mêle un parcours filmé à 360 degrés à de l’animation, de l’interactivité et des décors faits à l’encre. Pour ce, Vincent s’est entouré de son équipe, composée d’Édouard Lanctôt-Benoit au développement, Caroline Robert pour le visuel et Philippe Lambert pour le son et la musique. « On a fait le lien entre plusieurs techniques, notamment en capturant des images réalistes et en les transposant dans une réalité interprétée », mentionne Vincent Morisset. « Nous voulons prendre avantage de ces effets artistiques et numériques pour générer des émotions, raconter des histoires, impliquer le spectateur ».

Afin de tourner les images, l’équipe a d’abord assemblé six mini-caméras GoPro sur une perche et s’est rendue en Estrie, en Mauricie, dans les Laurentides et sur le Mont-Royal à Montréal. Comme ce procédé ne peut cacher la personne qui filme, le studio décide de faire de Vincent le personnage principal, habillé d’un costume blanc. Les autres membres de l’équipe incarnent les personnages en noir que le joueur croise au fil de son parcours. « Comme on tournait en extérieur, seulement par temps gris, on était une petite équipe capable à tout moment de sauter dans une voiture avec l’équipement et nos costumes, c’était vraiment toute une aventure inopinée à chaque fois », souligne le réalisateur.
La graphiste Caroline Robert a ensuite réalisé les éléments visuels et l’animation du personnage, pour les superposer aux images réelles. Au cours de l’expérience, et au détour d’un chemin, le personnage passe d’ailleurs du monde réel en noir et blanc à un monde onirique, où les arbres sont faits d’aquarelles colorées et le chemin de craie.
Expérience complète, « Jusqu’ici » est également une oeuvre musicale qui a réservé de nombreux défis. « Le tournage a été épique. Nous voulions une captation naturelle, mais il était impossible d’avoir un son sans un avion, une voiture, du matériel agricole ou même des moustiques », mentionne Philippe Lambert.
Se jouant à la première personne, « Jusqu’ici » est une balade résolument subjective. « Le personnage blanc que le joueur incarne est une extension de son regard. Il peut marcher, courir, sauter, voler, s’arrêter pour contempler les détails de la forêt. Et chaque action a un impact sur la musique », note le réalisateur. « Même s’il n’y a qu’un chemin, chaque personne vit un parcours complètement différent ».
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